Global Journal of Human Social Science, D: History, Archaeology and Anthroplogy, Volume 23 Issue 2
il se pose, nécessairement, pour la France, notamment, devant ses nouveaux ancrages européens et universels, la question du corpus muséal algérien se trouvant en France, dans sa relation avec celui « in situ» en Algérie. La reconstitution du processus historique de collecte, de ramassage, de recensement, d’enregistrement, de publication et de publicité, des objets et collections, destinés, jadis, à produire et reproduire une mémoire documentaire coloniale, source de légitimation d’une identité française de l’Algérie, est un pré-requis à la création d’un nouveau rapport à un héritage partagé entre la France et l’Algérie. Il s’agira, notamment, de préciser le mode de translation du colonial au postcolonial, en termes de transfert du matériau (mobilier) et de son corpus documentaire, pour aboutir à la reconstruction de «collections nationales», appropriables. Lorsque nous portons le regard sur l’héritage colonial (1830-1962), nous ne pouvons nous empêcher de nous interroger sur l’histoire et la mémoire de chaque objet et des documents qui lui sont associés. Tous ces objets, aujourd’hui exposés dans les musées ou rangés dans des réserves algériens et français, appartiennent à une histoire et une mémoire qui tirent tout leur sens d’un processus d’appropriation fondamentalement colonial. La France coloniale avait inscrit, et d’une manière systématique, l’héritage latino-chrétien d’Algérie, dans un processus de patrimonialisation qui assurait son adjonction aux valeurs de la chrétienté historique, portées essentiellement par les nouvelles populations européennes nouvellement établies en Algérie. Cette forme d’appropriation artificielle de l’identité et de la mémoire– véritable supercherie mémorielle – participait surtout, et par incidence, à une désubstantialisation et une érosion de la mémoire « indigène » qui se voyait dépossédée progressivement de sa relation historique, affective et émotionnelle à l’endroit de son patrimoine antique punico-romano- latino-chrétien, pour se confiner dans le seul et exclusif cercle d’appartenance musulmane, considéré – sous l’angle de la pureté ou de la purification - comme lieu de retranchement, garantissant la sauvegarde de la personnalité musulmane contre l’occupant et l’oppresseur « chrétien ». Le renforcement de ce clivage chrétien/musulman, par une politique d’évangélisation de l’Algérie et une publicité et propagande soutenues ont fini par forger un imaginaire « indigène » de rejet et de refoulement de tout ce qui a trait aux valeurs d’antiquité. La difficulté, aujourd’hui, dans l’image servie par les musées algériens, n’est pas dans la substance muséographique qui la gouverne ; elle réside plus dans la situation d’entrechoc entre deux temporalités « inconciliables », l’une occidentale, fondamentalement linéaire, qui a régenté, pendant 132 ans, la messagerie muséale, et l’autre, algérienne, qui relève d’un corpus de gouts, de sensations, d’émotions et d’une vision du monde différents. Il reste, aujourd’hui, à déconstruire cet édifice pour rétablir l’harmonie des temporalités, dans la perspective d’un discours à la fois de culturalité et d’interculturalité. Il s’agira, également, de poursuivre une œuvre de décolonisation non inachevée, dans une perspective où les «détails» et les « nuances», par le truchement de cette «archéologie de la France coloniale», participeraient au tracé des contours, à la construction de l’image et de la trame d’un récit historique de plus d’un siècle et demi (132 ans). C’est pour cela que ni la Tunisie, ni le Maroc, ni encore moins les autres cas de colonie et de protectorat, ne sont éligibles à la comparaison et ne sauraient, dans une vision « englobante», participer à la construction ou la reconstruction d’un discours muséal sur l’Algérie. R eferences R éférences R eferencias 1. Arnauld Le Brusq est un chercheur français, né en 1962, docteur en histoire de l'art, investi dans la thématique des relations entre culture, patrimoine et histoire coloniale. 2. La période de conquête s’étend depuis juillet 1830, date de la prise d’Alger, sous le régime monarchique de Charles X, puis celui de la Monarchie de juillet, sous le règne de Louis Philippe, jusqu’à février 1848, date de l’instauration de la deuxième République, qui voit l’élection du neveu de Napoléon premier, Louis Napoléon Bonaparte (Napoléon III), à la présidence de la République. 3. Aux temps de la conquête, le terme « indigène » renvoyait à une seule catégorie de population, celle ancrée au territoire et dont les deux principales composantes ne se distinguaient que par leur filiation religieuse, l’une, prédominante, musulmane et l’autre juive. Pour briser la cohésion de cette catégorie constitutive, le colonisateur français usa, au fur et à mesure, d’autres vocables qui participaient à l’affaiblissement puis à la rupture d’une résilience sociale et culturelle plurimillénaire, tels les expressions « indigène musulman » , «arabe», « maure » et « kabyle » . Un processus continu de « dénationalisation , qui aboutit, à termes, au décret de Crémieux, d’intégration, en bloc, de la composante juive, à la nation française et au « code de l’indigénat », qui réduisit la catégorie « indigène » à la seule composante « musulmane ». 4. Le maréchal Bourmont avait refusé de reconnaître et de prêter serment au roi Louis-Philippe, no uvellement é tabli, témoignant sa fidélité au roi Charles X et à la famille des Bourbons. Il fut relevé et remplacé par le général Clauzel le 3 septembre 1830. Volume XXIII Issue II Version I 79 ( ) Global Journal of Human Social Science - Year 2023 D © 2023 Global Journals The Museums of Algeria in the French Historiographical Field
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