Global Journal of Human Social Science, D: History, Archaeology and Anthroplogy, Volume 23 Issue 2

Soleil », le long de la « rue Philippe» . Ses locaux, fort étroits, étaient néanmoins suffisants pour contenir le volume des documents existants. A la création, elle ne comptait qu’un seul ouvrage, « la Grande Encyclopédie», offert par un avoué de Paris, M. Pillaut- Debit. Ce n’est que trois ans plus tard, en 1838, qu’un musée y est joint, sous la forme d’un dépôt d’objets assez hétéroclites. La Bibliothèque déménagea, une première fois, pour s’établir dans de nouveaux locaux répondant à des exigences minimales d’exploitation, situés dans une aile de la grande caserne des Janissaires, rue Bab Azzoun. L’espace bibliothèque prenait place dans une « salle à double colonnade en marbre », édifiée, en 1828, par le gendre du Dey Hussein, Ibrahim Agha et le musée, dans la salle voisine, construite par Yahya Agha , prédécesseur d’ Ibrahim . Le volume des objets archéologiques, provenant essentiellement des expéditions militaires, ayant dépassé les capacités d’accueil de la salle musée, il fut envisagé, un peu plus tard, en 1845, l’exploitation d’une dizaine de salles dans la Jénina (17), comme de lieu de dépôts archéologiques. La fonction de secrétaire particulier du général Clauzel, exercée par Berbrugger, prend ici toute sa signification, lorsque l’on sait, aussi, qu’il fut nommé dès 1837, membre de la première commission d’exploitation scientifique de la Régence d’Alger (18). Pour justifier de la conformité de l’entreprise muséale et anticiper sur les critiques des méthodes employées, Berbrugger fit valoir le principe de l’urgence et de la nécessité du moment «expédition militaire» sur toutes autres considérations: « il fallait d’abord être maître du terrain avant d’y tenter des recherches scientifiques…Les hommes d’étude durent se résigner à suivre strictement les étroits sentiers que nos vaillantes colonnes leur ouvraient ça et là ; il leur fallut donc se borner à glaner sur les traces de l’armée, lorsque souvent ils auraient pu recueillir d’abondantes moissons en s’écartant un peu de la ligne obligée des opérations militaires» (19). VI. L e M usée D ’alger : U ne N ouvelle F iliation P atrimoniale Sorti de l’Ecole des Chartes, Berbrugger était nécessairement imprégné d’un savoir-faire en matière de bibliothèque, de musée et de collections, qui lui aurait permis d’envisager son projet de Bibliothèque- Musée, dans l’esprit du modèle métropolitain, puisque le territoire de la Régence d’Alger était désormais inscrit dans le prolongement de la France, au sens d’une nouvelle filiation patrimoniale, fondée sur le «droit de conquête». Le cas de la Bibliothèque était le plus simple, en termes d’appropriation ; elle se situait, organiquement, dans le prolongement de la Bibliothèque nationale de Paris (B.N.P) et de son évolution historique. Elle était inscrite dans une politique de conservation et de lecture publique, fondée sur la cohérence d’un processus qui va de la sélection et du choix des livres à celle du prêt, selon la catégorie des lecteurs et surtout l’orientation arrêtée, celle de la formation et du développement de l’esprit colonial. Elle était destinée à un public érudit peu nombreux et plus ou moins spécialisé et une demande sociale pas encore exprimée, notamment en matière d’écrits et d’ouvrages scientifiques et techniques. En tant qu’institution, la Bibliothèque d’Alger ne souffrait d’aucune ambigüité sur le plan de la filiation et de la transmission patrimoniale, du moins dans la première phase de conquête. Elle était destinée à un public exclusivement européen, servant une mission publique d’intérêt général, reconnue par l’Etat. Elle s’inscrivait dans une seule temporalité « occidentale » à l’exclusion de toute autre, le monde de «l’ indigénat » étant exclu de ce service public. Il en est tout autrement du Musée, qui appelle un autre type de construction conceptuelle et organique. L’entreprise est plus complexe, s’agissant, notamment, du sens qu’il faut donner à la collection muséale, aux modalités d’acquisition, de conservation et de présentation (exposition). Le Musée d’Alger ne se situe dans aucun prolongement institutionnel métropolitain, qui lui aurait permis de se placer sur une orbite patrimoniale. Il est le produit pur d’une conquête circonscrite à un territoire, « La Régence d’Alger » et à une population européenne émigrée. Il commandait, nécessairement, la création d’une nouvelle culture muséale coloniale, différente de la culture métropolitaine, dont le point de départ serait juillet 1830. Face à cet handicap majeur, Berbrugger procéda à contre-sens du modèle bibliothèque, en investissant dans une filiation, qui n’est plus verticale au sens de la continuité historique et de la transmission patrimoniale, mais au contraire horizontale, pour assurer les solutions de rupture et de séquençage et la fabrication d’une filiation entre un avant «barbare» et un après «civilisationnel», entre un temps vide (avant 1830) et un temps plein (après 1830). Dans le modèle métropolitain, le Musée est institué comme espace public d’appropriation collective des collections, au nom de la nation. C’est dans le sillage du nouveau concept « patrimoine national », invention de la révolution de 1789, que, furent crées, en l’espace d’une dizaine d’années (1772-1801), sur délibération des assemblées révolutionnaires, les cinq plus grands musées nationaux (20). Ils furent complétés, en 1801, par quinze musées provinciaux ou régionaux. Le paysage muséal français, ancré à l’histoire de la révolution de 1789, se présente en un réseau de Musées nationaux et régionaux, en construction permanente. Un dispositif spécifiquement français, qui n’est pas le résultat d’une évolution conceptuelle du Volume XXIII Issue II Version I 66 Global Journal of Human Social Science - Year 2023 © 2023 Global Journals The Museums of Algeria in the French Historiographical Field ( )D

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