Global Journal of Human Social Science, D: History, Archaeology and Anthroplogy, Volume 23 Issue 2
Musée, en tant que fait culturel et civilisationnel, comme c’était le cas, dans l’ancien régime jusqu’à Louis XVI (21) . Le Musée français, depuis la révolution 1789, est une juste réponse aux destructions symboliques et aux pillages (vandalisme), pour rassembler et protéger les collections dilapidées et éparpillées. Cette forte initiative de conservation remonte à 1790, date d’invention de la notion «Monument historique» (22), un mécanisme juridique de protection des biens de l’ancien régime «les monuments qui symbolisaient les âges de la barbarie», contre la destruction et le vandalisme. Ces biens, considérés, alors, comme des butins de guerre, étaient érigés en Monuments historiques: une forme de nationalisation déguisée de biens privés (23) . En pensant le Musée d’Alger Berbrugger ne pouvait pas ignorer le cheminement historique de la construction muséale en France métropolitaine et le handicap du processus de patrimonialisation des collections « au nom de la nation ». La composante « indigène » étant exclue, il lui restait à définir les contours et le contenu de cette nouvelle « nation » arrivée sur une « terre neuve ». Pourquoi et pour qui un musée à Alger ? Cette question demeurait sans réponse, à un moment où les limites même du nouveau territoire conquis n’étaient pas encore arrêtées (colonisation restreinte ou élargie?) et la définition de la population «européenne» non encore établie. Il faut souligner ici, que dans la relation musée-public, Berbrugger utilisait judicieusement l’expression «les curieux» plutôt que «le public» ou «le visiteur», s’inscrivant dans le modèle du cabinet des curiosités plutôt que du musée proprement dit. VII. L e C ollectionnisme « E xpéditionnaire» (24) Après le départ de Clauzel et sous l’administration du général Damrémont, Berbrugger poursuivit sa mission de conservateur de la Bibliothèque-Musée, en démissionnât du poste-clé de rédacteur-en-chef du journal le «Moniteur algérien». Il fut appelé à assurer une nouvelle mission, qui le conforta dans son entreprise de construction muséale, au sein de la première commission d’exploration scientifique de l’Algérie, créée par le maréchal Soult, duc de Dalmatie, président du conseil et ministre de la guerre qui, en concertation et en accord avec l’Académie des inscriptions et belles-lettres, avait initié l’idée «militaro- académique», d’une conquête conçue sous le double aspect de la pénétration militaire et de la connaissance, en arrimant l’exploration scientifique à l’expédition militaire (25). A la veille du siège de Constantine, Danrémont avait pris un arrêté de création d’une commission scientifique, au sein même de l’armée expéditionnaire, qu’il chargea «d’explorer dans le double intérêt de la science et des arts le pays traversé par l’armée, de recueillir les manuscrits, les inscriptions, les objets d’art et d’antiquité qui pourront être découverts ». Berbrugger constituait, dans cette entreprise, le principal maître d’œuvre, étant lui même le rédacteur du rapport préliminaire de la commission. L’arrêté de Danrémont constitue, ainsi, le premier acte fondateur d’une politique de constitution de collections de biens culturels ciblés « manuscrits», «inscriptions» et «objets d’art et d’antiquité», mise en œuvre sans aucune forme d’exigence scientifique et technique que celle de l’encadrement par l’Armée. Moritz Wagner, un allemand, naturaliste et voyageur scientifique de renom, qui était membre de la première commission scientifique, nous renseigne au mieux sur les caractéristiques et les objectifs de cette commission (1841). Il a été intégré à cette dernière par le général Damrémont lui-même, aux conditions suivantes : «Monsieur, Je vous préviens que conformément à mon arrêté en date de ce jour, je vous ai nommé Membre de la Commission scientifique chargée de suivre l’armée expéditionnaire qui se porte contre Constantine. Mr. le Général Perrégaux, qui est le président de cette Commission, vous donnera des instructions pour accomplir la mission qui vous est confiée…» M. Wagner, avait, en effet, participé à la 2 ème expédition militaire de Constantine; il offre la garantie de livrer un point de vue quelque peu désintéressé sur la commission. Celle-ci devait avoir pour objectifs d’ «étudier les antiquités, mesurer les altitudes, collectionner toutes les raretés botaniques et zoologiques, afin de rédiger, une fois l’expédition achevée, un mémoire sur tout ce qui pouvait avoir un intérêt pour la science et être digne d’être mentionné .(26). M. Wagner insistait particulièrement sur la spécificité de cette commission dont les membres étaient investis d’un rôle d’abord militaire, avec l’uniforme, le grade et la ration alimentaire. Ces témoignages sont forts instructifs pour le sujet qui nous intéresse ici, celui de la constitution des collections et de leur devenir. Cette première expérience d’exploration scientifique avait pour support une sorte de manuel pour «les recherches archéologiques à entreprendre dans la province de Constantine et la régence d’Alger», rédigé en novembre 1837 par l’Académie des inscriptions et belles-lettres, à l’intention des «officiers- archéologues de l’Armée d’Afrique». Dans ce guide pratique, outre des instructions classiques, étaient consignés les itinéraires avec des indications topographiques ainsi que des exigences de précision en matière de dessin, de croquis, de relevé et de collecte d’informations. Un intérêt particulier était porté aux infrastructures antiques (voies, ponts, bornes…) et aux inscriptions et monnaies. La plus Volume XXIII Issue II Version I 67 ( ) Global Journal of Human Social Science - Year 2023 D © 2023 Global Journals The Museums of Algeria in the French Historiographical Field
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