Global Journal of Human Social Science, D: History, Archaeology and Anthroplogy, Volume 23 Issue 2

grande attention était accordée à la précision et la justesse des données et informations, nécessaires et utiles, d’abord, à la stratégie de pénétration du territoire et ensuite à la science proprement dite. C’est un corpus de documents papiers (cartes, dessins, relevés, croquis), détaché de son support substantiel : le matériau. Qu’en est-il, alors, du matériau (objets mobiliers et immobiliers), support matériel du savoir, dans le mode opératoire de l’Académie des inscriptions et belles-lettres ? Quelles étaient les modalités et conditions d’accès, d’exploitation, de collecte, de transfert et de dépôt de ce matériau ? Quel était son devenir et qui étaient les collectionneurs ? Ces questions renvoient nécessairement à des responsabilités régaliennes et éthiques que l’Académie ne voulait assumer, laissant à l’armée le soin d’y apporter les réponses requises, en l’absence de toute législation en la matière. Nous rappelons; ici, l’arrêté du 26 avril 1841, pris par le général Lapasset (1817-1875), qui disposait que «Les prises faites par un corps ou une colonne expéditionnaire seront réparties ainsi qu’il suit: un tiers sera distribué aux troupes, les deux autres tiers appartiendront par portions égales au Trésor public et à la caisse coloniale » (27). Aux termes de l’année 1839, une haute instance d’investigation scientifique, appelée « Commission d’exploration scientifique de l’Algérie» , fut créée sous l’autorité du Ministre de la guerre. Elle était chargée d’activités de recherches, de reconnaissance, de relevés et de prélèvements, sous l’encadrement du comité des travaux historiques et scientifiques du Ministère de l’instruction publique et le patronage de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Elle débuta ses travaux en 1840 et remis rapport en 1842. Elle comptait une vingtaine de membres, entre académiciens et officiers de l’armée d’Afrique, parmi lesquels Berbrugger était chargé de la dimension archéologique et historique. Une position qui lui permit de se déployer dans la durée, sur un territoire de plus en plus élargi et un spectre plus vaste d’interventions avec, toutefois, un inconvénient de taille: il ne s’agissait plus d’une simple activité de collecte, de ramassage et de transfert d’objets et de documents, mais aussi et surtout de la production de la connaissance et du discours scientifiques, dans le cadre d’un travail collectif aux exigences de rigueur scientifique et dont les résultats sont consignés dans des rapports et des publications scientifiques, un corpus scientifique nécessaire au renforcement et à la consolidation du projet colonial. L’exploration scientifique se réalisait, ainsi, dans le sillage des colonnes expéditionnaires, derrière les officiers du génie et des ingénieurs géographes qui balisaient le terrain et traçaient les premières topographies. Les travaux étaient, toutefois, circonscrits à la seule région littorale, la mieux sécurisée ; ils prirent fin en 1841. Par l’effet de publicité qu’ils produisirent sur l’importance des richesses archéologiques, le gouverneur général Bugeaud fut amené à rédiger une circulaire appelant à la « conservation des monuments historiques et des restes d’antiquités» (28). Il fit ensuite volte face en instruisant le transfert des collections archéologiques en France pour doter le nouveau Musée algérien du Louvre (29). Une instruction qui n’était assortie d’aucune mesure de protection légale et de conservation; elle s’inscrivait, toutefois, dans l’esprit muséologique impérial: les collections coloniales constituant un butin de conquête, qui témoigne de la «grandeur et de la puissance» d’un empire. Elle allait dans le même sens que la décision du Duc de Dalmatie, prise trois ans plus tôt, pour transférer à Paris, les antiquités «spectaculaires» de Constantine ainsi que l’arc de triomphe de Djemila (30). Le Musée algérien du Louvre et l’arc de Triomphe de Djemila réalisaient, le plus surement, une filiation patrimoniale au nom du droit de conquête, ce que ne pouvait réaliser le Musée central d’Alger, tel que pensé par Berbrugger, par déficit d’appropriation. VIII. L e M usée A lgérien du L ouvre Le Musée algérien du Louvre a été crée en 1845. Il était établi à proximité du Musée égyptien, pour recevoir les collections algériennes les plus spectaculaires. De ce qui était exposé, il y avait des inscriptions latines, des sculptures, des mosaïques, des chapiteaux et autres fragments de colonnes, répartis entre la salle d’Afrique, la salle des Antiquités chrétiennes et les paliers de l’Escalier Dur. En périphérie de ce Musée, réservé aux objets et œuvres d’art et d’architecture et soumis aux conventions de la gestion académique, gravitait une panoplie de musées, réceptacles d’autres catégories d’objets ethnographiques et d’artisanat, faisant partie des collections coloniales. Ces musées, situés, généralement dans les villes portuaires, avaient acquis une vocation plus commerciale que culturelle, assurant des intérêts agricole et industriel, notamment à travers les espaces d’exposition. Nous citerons le Musée de la France d’outre-mer de l’Institut national d’agronomie coloniale, célèbre par ses collections d’art indigène et arts appliqués; le Musée colonial ou exposition permanente des colonies du Ministère de la marine; le Musée industriel et commercial et des colonies de Lille; le Musée colonial de la chambre de commerce de Lyon, le Musée colonial de la Ville de Lyon; le Musée colonial de la chambre de commerce de Marseille; les Instituts coloniaux de Rouen et du Havre. Une profusion de musées et de collections privés, appartenant à des militaires, des sociétés savantes et des missionnaires, participait du corpus des mobiliers d’intérêt Volume XXIII Issue II Version I 68 Global Journal of Human Social Science - Year 2023 © 2023 Global Journals The Museums of Algeria in the French Historiographical Field ( )D

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