Global Journal of Human Social Science, D: History, Archaeology and Anthroplogy, Volume 23 Issue 2
européens ayant au moins résidé trois ans consécutifs en Algérie. Les options arrêtées, qui relevaient plus d’un jeu de rapport de force que d’une évolution dans les idées et les entendements, étaient sous-tendues par un discours scientifique et académique qui, pour la première fois, introduisait des considérations patrimoniales de conservation. Fallait-il conforter l’idée de transfert des antiquités à Alger ou à Paris, au motif de leur protection contre les destructions où au contraire initier une politique de multiplication et d’une mise en réseau de musées locaux? Pour la première fois, aussi, il est fait état de conditions de mise au jour, de transport et de stockage des antiquités découvertes. L’Académie des inscriptions et belles-lettres, ne pouvant pas être en reste de cette préoccupation, se prononçait fermement contre le déplacement de documents hors de leur cadre, considérant que le déracinement enlevait leur signification aux objets. Le souci de la «conservation sur place» ne s’énonçait, en fait, que d’un point de vue idéologique car, dans les faits, le préjudice causé aux antiquités commençait par l’acte même de destruction des premières couches archéologiques de l’époque médiévale pour accéder, très vite, aux inscriptions latines, aux mosaïques de l’antiquité tardive et aux niveaux dits de la « belle époque », de la période romaine. La course aux inscriptions latines était encouragée pour, d’une part, réaliser une filiation entre les données de l’archéologie et les premiers établissements coloniaux et, d’autre part, répondre à une commande métropolitaine en concurrence avec les autres pays européens notamment l’Allemagne. Des guides archéologiques pratiques de relevé des inscriptions et de dépose de mosaïques étaient distribués aux personnes désireuses de pratiquer des fouilles, sans autres conditions et prescriptions de protection. Cette «prise de conscience» qui présidait au choix de l’option «conservation sur place», préconisée par Léon Renier en 1859 et au-delà des aspects purement scientifiques et techniques, signifiait, politiquement, un changement de vision, depuis une France qui voulait, par la collection nationale, montrer la réalisation d’une œuvre coloniale (Musée d’Alger et du Louvre), vers une deuxième France, la colonie, qui voulait plutôt se construire par elle-même et pour elle- même. Une ferveur s’était, en effet, emparée des associations et sociétés savantes, de certains gros propriétaires et des élus communaux, pour la constitution de collections et la création de musées locaux, dont certains furent convertis en musées municipaux grâce, notamment à la loi de 1900 qui accorda à l’Algérie une autonomie financière limitée, garantissant la durabilité de l’entreprise, c’est à dire l’ancrage du musée à sa géographie. A côté du seul Musée national, spécialisé dans les Antiquités algériennes et d'Art musulman, établi à Alger, quinze musées locaux furent crées, entre musées communaux et musées de sites. Les premiers comprenaient: «Aumale», «Bône», «Bougie», «Cherchell», «Constantine», «Guelma», «Lambèse», «Oran», «Philippeville», «Sétif», «Tébessa», «Tlemcen» (le seul Musée communal dédié aux Antiquités musulmanes). Les second comptaient: «Djemila», «Timgad» et «Tipasa»; qui relevaient directement des Monuments historiques et étaient financés directement par le gouvernement général. XIII. L e « M usée» S ous la III ème R épublique C’est dans le contexte des grandes réformes républicaines de la IIIème République et des lois constitutionnelles en faveur d’un nouveau régime démocratique, qu’une nouvelle approche coloniale fut introduite, porteuse d’un nouveau regard, laïque et rationaliste, fondé sur la philosophie du progrès et du positivisme scientifique. Il se traduisit par la création, en 1879, de quatre Écoles Supérieures spécialisées à Alger : médecine, pharmacie, sciences, lettres et droit, qui se transformèrent, en 1909, en une Université. La création de l’Ecole supérieure des lettres d’Alger, en 1880, puis sa transformation en Faculté des lettres, en 1909, constitua un acte fondateur d’une rupture dans le mode de production du savoir et de la connaissance, jusque-là, gouverné par un système qui mettait en articulation les sociétés savantes, la Bibliothèque, le Musée d’Alger et les autres musées. Une rupture qui s’est concrétisait par une refonte des institutions et un changement d’hommes. En 1880 , un service des monuments historiques et une commission des monuments historiques furent crées en Algérie, annonçant une volonté de mise en ordre institutionnelle dans les champs de l’archéologie et des monuments. S’agissant des musées et des collections, un état des lieux, pour une refonte organisationnelle et un redéploiement sur de nouvelles bases institutionnelles, était commandé par le Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts, au moment même où, en métropole, se préparait la publication de l’Album sur les Musées de France et dans la Régence de Tunis, celle des collections du Musée Alaoui. Pour l’Algérie, qui devait se mettre sur le diapason de la nouvelle République, c’est un regard extérieur qui fut sollicité, en la personne de R.M. de La Blanchère, un ancien élève de l’Ecole française de Rome, établi à Tunis. Sa mission consistait à réaliser un diagnostic et envisager un catalogue des Musées et Collections de l'Algérie. Volume XXIII Issue II Version I 72 Global Journal of Human Social Science - Year 2023 © 2023 Global Journals The Museums of Algeria in the French Historiographical Field ( )D
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