Global Journal of Human Social Science, D: History, Archaeology and Anthroplogy, Volume 23 Issue 2

perspective d’une histoire globale de l’Afrique du nord. C’est dans le format du guide et du manuel de l’archéologie (rassembler, sérier, classifier méthodiquement) qu’il avait entrepris son projet, l’avouant lui-même, en préface du tome premier des monuments antiques de l’Algérie : «Cet ouvrage devait consister, d’abord, en une série de notices sur les ruines antiques de l’Algérie… Je n’ai donc pas adopté l’ordre géographique, où des édifices d’époques et de destinations diverses auraient été confondus, mais j’ai étudié, dans des chapitres distincts, les différentes catégories de monuments…» . Procédant par catégorie de monuments, dans un empilement chronologique, que rien n’autorisait, depuis la grotte préhistorique jusqu’au au baptistère chrétien, en passant par les indigènes et puniques puis les romains, il a su convertir un guide didactique, un «Mémento» de l’archéologie monumentale, en un instrument démonstratif et explicatif de l’archéologie monumentale algérienne. Réalisé en divers formats, pratiques et usuels, ce guide était accompagné en autant de publications de vulgarisation et de manifestations scientifiques et culturelles, destinées à un nouveau public « envoie de création». Avec Gsell, la science archéologique s’était investie frontalement dans le terrain politique (40) en occupant de proche en proche les lieux d'accès à la décision politique, par une instrumentalisation du savoir et sa mise à disposition d'une cause coloniale: «l’Algérie française». L’année du centenaire de la prise d’Alger (1930) fut la consécration de cet effort de plus d’un demi-siècle, qui se résume dans ce court passage de l’ouvrage « Histoire et historiens de l’Algérie » : «L’histoire nous trace ainsi nos devoirs : volonté inébranlable d’être les maîtres partout et toujours; nécessité d’une colonisation appuyée sur un fort peuplement rural européen; nécessité non moindre de rapprocher de nous les indigènes avec le ferme désir et l’espoir d’une fusion dans un avenir plus ou moins lointain. Cette histoire n’est donc pas en Afrique “la plus inutile des sciences”» . Son idée et sa position arrêtés sur l’Algérie sont significatifs de cet investissement, dans le contexte de la IIIème République: «L’Algérie! Un nom que nous avons créé et qui ne devint officiel qu’en 1838; un morceau découpé arbitrairement à l’époque turque et qui reçut alors à peu près ses limites actuelles; une unité factice dont la France a fait autant qu’elle a pu une unité réelle » ». C’est dans cette prédisposition psychologique, d’un engagement militant, que d’aucuns qualifiaient de «patriotisme assumé », que Gsell et après lui, toute l'Ecole des antiquisants d'Alger, vont concevoir le paysage muséologique algérien. La célébration du centenaire constitua une prise de date de l’établissement permanent d’une «Algérie française» . Nous y observons la création, tout azimut, d’institutions culturelles au statut durable tels le Musée Franchet d’Esperey; les Musées des Beaux-arts d'Alger, d'Oran et de Constantine; le Musée d'ethnographie et de préhistoire du Bardo; les Musées de Timgad et de Djemila; le Musée forestier d’Alger; la Maison indigène de la place d'Estrées d’Alger; les Maisons de l'agriculture d’Alger, d’Oran et Constantine; les Ecoles de tissage de Bougie et de Tlemcen; l’Ecole d’apprentissage de la bijouterie indigène et l’Ecole de poterie kabyle de Tizi Ouzou. L’année du centenaire était un tournant décisif de l’histoire coloniale, celui du ralliement à une doctrine historique, dont Gsell est le maître d’œuvre. Une doctrine qui a enchâssé l’histoire de l’Afrique du nord dans un récit exclusif de confrontation entre Rome la latine et Carthage la sémite, en déplaçant le regard d’une orbite « climaticienne» nord-sud, vers une orbite «culturelle et religieuse» est-ouest, opposant un orient phénicien et sémite à un occident romain à l"exclusivité latine. La dimension grecque, clé de voûte du système civilisationnel méditerranéen, étant éliminée de ce dispositif de construction historique. Dans le contexte de la IIIème République et pour des besoins de démonstration, le débat politique et intellectuel s’était déplacé du terrain de confrontation immédiat – le bassin occidental de la Méditerranée - entre acteurs romains, puniques et numides, vers un territoire beaucoup plus vaste, mettant en opposition un occident latin et un orient phénicien, arabe et même byzantin. Nous comprenons dès lors cet attachement soudain aux attributs et valeurs qui consacrent l’occidentalité et cette recherche d’une filiation hispano- mauresque entre le Maghreb et l’Espagne musulmane. De l’archétype « Arabe», sur lequel s’est construit tout un imaginaire colonial à la fois de répulsion et de fascination, va se substituer une imagerie spécifiquement maghrébine où l’ «indigène» autochtone va constituer, désormais, l’élément invariant: « la permanence berbère». Dans « Histoire et historiens de l’Algérie », E. Albertini, écrivait en page 101 à propos de l’Algérie antique : «Les Français qui ont conquis l’Algérie croyaient d’abord qu’elle était peuplée d’Arabes, et cette erreur ne s’est pas corrigée tout de suite; on a mis quelque temps à percevoir le caractère adventice des éléments arabes dans l’Afrique du Nord ». XVII. N ormalisation de la P ratique M uséale La normalisation et la stabilisation de la pratique muséale, dans l’ «Algérie française», est l’aboutissement d’un processus d’élaboration institutionnelle, qui remonte à l’année 1912, avec la création de l' «Inspection des antiquités d'Alger» qui, pour la première fois, allait destiner un inspecteur chargé exclusivement de Volume XXIII Issue II Version I 76 Global Journal of Human Social Science - Year 2023 © 2023 Global Journals The Museums of Algeria in the French Historiographical Field ( )D

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