Global Journal of Human Social Science, E: Economics, Volume 21 Issue 5

S’il apparaît clairement dans littérature que l’inadéquation éducative affecte les mécanismes (emploi, rémunération, satisfaction, productivité, etc.) qui régissent les interactions sur le marché du travail, l’importance de ces effets et les mécanismes sous- jacents ne sont pas toujours clairs. Aussi, des analyses plus poussées s’avèrent justifiées dans tous les pays y compris le Cameroun. C’est à l’aune de ce fait au demeurant inquiétant que l’objectif de cette étude est d’apporter de réponses à la question quel est l’effet des inadéquations éducatives sur la rémunération au Cameroun ? II. C ontexte de L ’étude La structure du marché du travail camerounais, à l’instar des autres pays, a connu d’importantes mutations ponctuées des vagues de déséquilibres plus ou moins accrus. Avant l’avènement de la crise économique des années 80, le marché du travail camerounais était caractérisé par des emplois dans le secteur agricole avec l’État comme pourvoyeur principal d’emploi (Touna Mama, 2008). Ainsi, les taux de chômage étaient relativement bas, moins de 6 % en moyenne. La situation s’est vite dégradée avec la survenue de la crise qui a entrainé une hausse vertigineuse du taux de chômage atteignant jusqu’à 24,6 % en 1993. Par ailleurs, la proportion d’emplois dans le secteur informel s’est considération accrue. En effet, le marché du travail camerounais caractérisé par le développement des politiques actives d’emploi fait face aujourd’hui à deux faits majeurs. Le premier est lié à la population sans cesse croissante et aux défis qu’elle impose. Le second fait, pas de moindre, concerne le niveau d'instruction moyen de la population qui a considérablement augmenté. Le taux net moyen de scolarisation dans l'enseignement primaire, secondaire et supérieur a atteint 78 %, 35 % et 10 %, respectivement, en 2017, contre 60 %, 21 % et 5 % en 2000 (UNESCO, 2019). Si le Cameroun peut tirer profit de ce dividende démographique et si la part croissante de jeunes mieux éduqués peut aider le pays à combler son déficit de productivité, il y a cependant lieu de s’interroger non seulement sur la qualité de l'éducation acquise par ces jeunes diplômés, mais aussi sur la capacité d'absorption du marché de l’emploi en général (Monga et al ., 2019). En effet, bien que le pays ait alloué des ressources considérables à l'amélioration de la qualité de l'éducation (en moyenne, ils ont consacré 0,78 % du PIB à l'enseignement supérieur, contre 0,66 % dans d'autres pays en développement (Devarajan et al ., 2011), il continue d'afficher des résultats scolaires insatisfaisants comme la plupart des autres pays africains. Cette insatisfaction est surtout due à l’inadéquation de l’éducation aux besoins du marché du travail aussi bien au niveau quantitatif (inadéquation verticale) qu’au niveau qualitatif (inadéquation horizontale). Des données issues de la Quatrième Enquête Camerounaise auprès des Ménages (ECAM IV), il ressort que que 63,3 % et 27,6 % des diplômés sont respectivement suréduqués et inadaptés horizontalement. Aussi, 45,95 % et 19,77 % des travailleurs sont respectivement en situation d’inadéquation simple (inadéquation verticale ou horizontale uniquement) et en situation de double inadéquation. Si près de 45,95% de la population occupée sont en situation d’inadéquation éducative, ce phénomène touche une forte proportion des actifs résidant dans la zone rurale. Environ 44 % (respectivement 13 %) des actifs vivant dans la zone rurale (respectivement dans la zone urbaine) sont en situation d’inadéquation horizontale. Par ailleurs, environ 20 % (respectivement 5 %) des actifs vivant dans la zone rurale (respectivement dans la zone urbaine) sont en situation d’inadéquation verticale (ECAM IV). III. F ondements T héoriques de L ’effet des I nadéquations E ducatives S ur la R émunération Les premières études sur les inadéquations éducatives et particulièrement le déclassement sont Volume XXI Issue V Version I 58 ( E ) Global Journal of Human Social Science - Year 2021 © 2021 Global Journals Educational Mismatches and Labor Market Impact in Cameroon l’œuvre d’économistes américains et datent des l'éducation aussi bien verticale qu’horizontale? Troisièmement, quels sont les impacts des inadéquations éducatives aux niveaux micro- économique et macroéconomique ? (Vichet, 2018). C’est cette troisième interrogation qui fait l’objet de notre étude notamment sous l’angle microéconomique. Sous cet angle justement, l’inadéquation éducative a des effets potentiellement négatifs sur la fonction de satisfaction de l’employé et celle de l'entreprise. Au niveau de l’employé, elle est susceptible d'affecter la transition vers le marché du travail, les salaires, de réduire la satisfaction au travail et d'augmenter la probabilité de changements fréquents d'emploi (Ueno et Krause, 2018; Mpendulo et Mang’unyi, 2018; Battu et Bender, 2020; Putri et Febriani, 2020). Au niveau de l’entreprise, l'incapacité à trouver des travailleurs détenant des qualifications requises pour effectuer les tâches requises a des répercussions importantes sur le dynamisme, la productivité et les bénéfices des entreprises, la compétitivité, la croissance et, parfois, la survie même de ces entreprises. Autrefois patent dans les économies développées, le phénomène d’inadéquation éducative l’est davantage dans les économies en voie de développement en raison d’une part, de leurs populations sans cesse croissantes et aux défis qu'elles imposent et, d’autre part, le niveau d'instruction moyen de la population qui a considérablement augmenté.

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