Global Journal of Human Social Science, G: Linguistics and Education, Volume 22 Issue 4

suivre dans son espace pour pouvoir lui voler un baiser et faire d’elle une femme. Et le sort voulu que Tita naquit et perdit sa virginité dans la cuisine : « Pedro, se acerc ό a ella, apag ό la luz [...] la hizo perder su virginidad y conocer el verdadero amor » (1989 :139). De même, dans Comment cuisiner son Mari a l’africaine , la cuisine se transforma en lieu d’intimité entre Aissatou et Mr Bolobolo : « dans l’encadrement de la porte de la cuisine [...] Nos lèvres s’enfourchent. Nos corps s’affrontent et une recette jaillit de nos soupirs » (2000 :107-108). La cuisine comme espace d’intimité est aussi entendue ici comme ce lieu de privauté qui permet la confidence et la complicité entre les femmes. c) La cuisine comme lieu d’empowerment féminin La transformation de la cuisine comme lieu de partage, lieu d’intimité, lieu de liberté, de réflexion, de création, d’apprentissage et d’autodétermination féminine débouche à la mise en œuvre d’un nouveau type de femme. La femme mexicaine dans Como agua para chocolate et la camerounaise dans Comment cuisiner son mari à l’africaine qui déstabilisent l’establishment social en faisant de la cuisine une pierre angulaire au sein même de la maison familiale. La cuisine, jadis un espace dénué de sens et d’importance, est exaltée par les deux écrivaines qui, de concert, avec Garrido Dominguez (2007) font que cet espace: « se semiotiza y se convierte en un exponente de relaciones de índole idéologica o psicol ό gica » (2007: 216). Beyala et Esquivel font de la cuisine un espace féminin de sublimation où la femme fomente des plans de séduction : « j’en ferai un amant, à défaut d’un mari je vais le cuisiner dans une daurade aux piments rouges jusqu’à ce qu’il devienne de là-dedans, moelleux et fondant comme un chocolat au soleil. Qu’il perde le sens ! Qu’il éjacule ! » (2000: 64). Dans la même lancée, Laura Esquivel montre que c’est dans la cuisine que Tita confectionne des plats spéciaux pour captiver Pedro et l’arracher des bras de sa sœur comme il en ressort dans cet extrait: « los platillos de Tita hicieron de Pedro un hombre tan enamorado que se moría de amor por Tita » (1989: 165). La cuisine devient pour Laura Esquivel et Calixthe Beyala le centre du monde que les deux écrivaines féminisent. Ainsi, la cuisine ressort dans les deux œuvres comme espace de complicité féminine: «así abrazadas, permanecieron llorando hasta que a Tita no le quedaron más lágrimas en los ojos» (1989: 31). Cette complicité rend les femmes plus fortes afin de faire face à l’adversité et le projet d’invisibilité instauré par la société patriarcale. L’empowerment qui se dégage de cet espace féminin est dû au fait que la femme mexicaine tout comme la camerounaise ont su faire de la cuisine un espace d’expression féminine, un lieu de combat, de réclamation identitaire subtile à travers la seule arme qu’elles détenaient dans cet espace privé à savoir la pratique de la cuisine. D’autre part, nous devons spécifier que Tita et Aïssatou, protagonistes de Laura Esquivel et de Calixthe Beyala, rescpectivement, mettent sur pied des stratégies culinaires de communication afin de passer des messages de colère et d’auto-affirmation. Alors, pour se faire entendre et s’affirmer comme des êtres pourvu d’intelligence, elles font de la cuisine un lieu de transmission : « desde la época prehispánica se habían transmitido los secretos de la cocina de generaci ό n en generaci ό n » (1989: 45). De même, la cuisine est un espace d’expression et un moyen de lutte : « J’épice. Je sale. Je poivre [...] mes seins exaltent les senteurs de côtelettes d’agneau aux cèpes [...] Quel est l’homme aux sens ordonnés qui peut résister a l’envie de ce magnifique dessert ?» (2000: 72). En somme, la femme a tiré profit de cet espace de réclusion social où elle avait été reléguée pour en faire un espace d’empowerment féminin. III. C onclusion Après des décennies de silence et de marginalisation qui firent de la femme un être invisible dans la société, la femme a entrepris de s’exprimer de diverses manières. La cuisine plus que tout autre espace où elle avait accès est le lieu requis pour passer des messages à la société patriarcale qui la condamna à avoir un seul véritable rôle social, celui de procréatrice. Laura Esquivel et Calixthe Beyala protagonisent des femmes qui, à partir de leur espace de vie de tous les jours clament de concert avec Simone de Beauvoir qu’elles sont plus qu’un « deuxième sexe » (1976). Tita et Aïssatou font de la cuisine leur espace d’intimité, de séduction, de combat existentiel et ce, dans le but d’acquérir un empowerment féminin qui mette en branle l’establishment socio-politique et économique. Como agua para chocolate (1989) et Comment cuisiner son mari à l’africaine (2000) sont, en définitive, des œuvres féministes qui mettent en exergue le combat pour la visibilité de la femme et la lutte qu’elle mène afin d’abattre les stéréotypes marginaux instaurés par l’ordre patriarcal. B ibliographie 1. Baranda Leturio, N. (2003), escritoras de oficios en AA.VV. la vida escrita por las mujeres. Por mi alma os digo Vol I. Barcelona. 2. Beyala, C. (2000), Comment cuisiner son mari à l’africaine , Paris, Albin Michel. 3. Cros, E. (1982), Propositions pour une sociocritique , Montpellier, C.E.R.S. 4. De Beauvoir, S. (1999), El segundo sexo , Madrid, Cátedra. 5. De la Cruz, I. J.S. (1978), Selección , Madrid, Editora Nacional. 6. Esquivel, L. (1989), Como agua para chocolate , Barcelona, Grupo Editorial. © 2022 Global Journals Volume XXII Issue IV Version I 3 ( ) Global Journal of Human Social Science - Year 2022 G Re-Semantization and Empowerment of Female Spaces in Como Agua Para Chocolate and Comment Cuisiner Son Mari À L’africaine

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